fbpx

Ecrit par : Adrien Aïach

Publié le : 25/09/2022

"Où faut-il investir en 2023 ?

J'ai récemment répondu à cette question en Live sur Youtube. Cliquez ici pour regarder la rediffusion !

Qui n’a pas entendu parler de l’introduction en bourse de Porsche AG ?

Le dossier est dans les tiroirs depuis le début de l’année et les investisseurs, aussi bien professionnels que particuliers, attendent avec impatience de mettre la main sur les actions du constructeur de Stuttgart.

Symbole d’une frénésie internationale, l’offre au public est proposée dans plusieurs pays, dont la France, le prospectus de l’opération disposant même d’une notification d’approbation de l’AMF.

Dans l’hexagone, ce sont BNP Paribas, Boursorama Banque, le Crédit du Nord, le Crédit Agricole, et la Société Générale qui seront chargés de placer les titres auprès de leur clientèle de détail.

Car l’engouement pour cette introduction en bourse ne concerne pas seulement les petits porteurs habituels : les fans de la marque seront eux aussi au rendez-vous, accompagnés de petits curieux, pourtant novices des marchés financiers.

Avec un objectif de levée de 9,4 milliards d’euros, cela faisait longtemps que l’Europe n’avait pas vu d’introduction en bourse de cette ampleur, la dernière en date étant celle de Glencore, en 2011.

Comme une évidence, le code mnémonique de l’action sera P911.DE, en hommage au modèle iconique de la marque.

Sauf que le timing de l’opération est intriguant.

Alors que le marché des IPO est en berne depuis le début de l’année, les financiers amateurs de belles voitures seront troublés par les similitudes avec l’entrée en fanfare de Ferrari à Wall Street, en 2015, sous le code mnémonique RACE, dans un contexte analogue.

Et le mardi 20 septembre 2022, date de l’ouverture de l’offre, le carnet d’ordres est déjà plein dès midi, selon des informations rapportées par Bloomberg.

Mais avec un prix qui sera évidement fixé en haut de fourchette, une question se pose : alors que les investisseurs sont prêts, parfois poussés par l’irrationnel, à payer le prix fort, faut-il souscrire à l’introduction en bourse de Porsche AG ?

C’est ce que nous allons découvrir dans cette nouvelle analyse.

Pourquoi faudrait-il souscrire à l’introduction en bourse de Porsche AG ?

Sur le papier, l’un des constructeurs automobiles les plus rentables de la planète a tout pour plaire.

Des résultats financiers séduisants

Allons droit au but et commençons par les chiffres.

Depuis 2019, Porsche AG a connu une croissance annualisée de 7,8% de son chiffre d’affaires, portée par un nombre de livraisons record de ~302 000 véhicules en 2021. Ce chiffre était de ~119 000 en 2011 et permet donc d’en deviner la trajectoire, malgré le fait que l’on ne dispose des données financières des trois derniers exercices seulement.

On constate la bonne résilience de Porsche AG lors de la crise du Covid-19, puisque l’entreprise avait réussi à augmenter son résultat net de 13,0% en 2020, par rapport à l’année précédente, passant de 2 801 millions d’euros à 3 166 millions d’euros.

Cette dynamique s’est prolongée en 2021, avec une bottom line à 4 038 millions d’euros (+27,5% YoY). Enfin, au premier semestre 2022, le bénéfice net de Porsche AG avait déjà sécurisé une croissance de 18,3% par rapport à la même période, un an plus tôt.

Cerise sur le gâteau, le constructeur de Stuttgart a également signé une marge nette de 12,2% en 2021 (en amélioration à 14,0% au S1 2022), une performance évidement bien meilleure que celle de la maison mère Volkswagen, qui gravite historiquement autour de 5%, et proche de celle de Ferrari, qui se situe par exemple aux alentours de 14~15%

Cette hausse (tant du bénéfice que du chiffre d’affaires) est avant tout poussée par un effet de prix, alors même que le nombre de véhicules livrés en ce début d’année est inférieur à celui du premier semestre 2021.

Si l’on remarque une situation similaire chez Stellantis, il faudra faire attention à ce que la situation ne se dégrade pas plus, et s’assurer que Porsche AG est bien en mesure de continuer à relever ses prix, sans trop tirer sur la corde.

Il n’y a rien à redire sur la trésorerie de Porsche AG, qui dispose de 5 597 millions d’euros dans ses comptes, une liquidité permise par son excellence opérationnelle, et cette belle tendance financière pourrait se poursuivre dans les années à venir.

Des perspectives réjouissantes

L’électrification de Porsche est au coeur des préoccupations de la marque, qui dispose d’un positionnement unique.

Clairement au dessus de ses concurrents premium allemands (comme Audi, BMW et Mercedes), les véhicules de Porsche ne jouent pas exactement dans la même cour que les luxueuses voitures de Bugatti, Ferrari, Lamborghini, McLaren ou Rolls-Royce.

Positionnement de la marque Porsche par rapport à ses concurrents. Source : présentation de l’entreprise, août 2022.

Et même lorsque que l’on compare la Porsche Taycan au Modèle S de Tesla, on se rend compte que l’écart de prix d’environ 60% entre les deux véhicules invalide toute comparaison.

Mais le problème de ces constructeurs de niche, c’est qu’ils ne disposent pas du volume nécessaire pour rentabiliser les investissements nécessaires pour passer à la voiture à batterie.

Pour Ferrari, la première voiture 100% électrique ne se sortira pas d’usine avant 2025. Pour Lamborghini, ce ne sera pas avant la fin de la décennie, même si la gamme sera entièrement hybride à l’horizon 2024. Même son de cloche chez McLaren, qui préfère aussi l’hybride.

Avec le souhait de la fin de la voiture à moteur thermique en Europe en 2035, ce nouveau marché est un véritable relais de croissance pour Porsche. Le Taycan est acheté à plus de 60% par des premiers acquéreurs de Porsche, alors que les collectionneurs s’arrachent les modèles les plus anciens.

Plus de 70 % du million de Porsche 911 construites depuis les années 1960 sont encore en circulation et certains considèrent même ces voitures comme un placement alternatif pour leur épargne. Contrairement aux autres types de véhicules, les voitures Porsche vont donc, à terme, devenir des objets de collection.

Et au delà de l’IPO, son entrée en Formule 1 à l’horizon 2026 va démultiplier la notoriété de la marque dans le monde entier, alors que Porsche est déjà parti à la conquête de la Chine.

Représentant 36% de son chiffre d’affaires, l’Empire du Milieu est devenu au fil des années son principal marché. L’Europe termine sur la deuxième marche du podium (29% des ventes) et l’Amérique du Nord complète ce trio avec une contribution de 26%.

La marque n’a donc pas à s’inquiéter pour son avenir : il y aura toujours de la place pour Porsche dans le monde de demain.

Une valorisation en apparence honnête

Mais avec tout cet engouement autour de la marque, on peut se demander si la valorisation de Porsche n’est pas artificiellement gonflée.

L’offre se conclura sans doute dans la borne haute de l’offre (de 76,50€ à 82,50€), pour une capitalisation boursière estimée à ~75 milliards de dollars. Par rapport à son bénéfice net de 4,038 M€ en 2021, cela donnerait un PER de 18,57.

Pour une entreprise disposant d’une marque iconique, qui a présenté une marge nette de 13,98% au S1 2022 et qui vise une croissance annuelle de son chiffre d’affaires d’environ 7~8%, cela ne me parait pas excessif … dans un contexte « business-as-usual« , ce qui n’est pas le cas actuellement.

Il est fort probable que ceux qui arriveront à mettre la main sur des actions Porsche auront d’emblée l’occasion de faire une plus-value lors du premier jour de cotation, car il n’y en aura probablement pas pour tout le monde.

Enfin, à moyen terme, Porsche AG vise un rapport de distribution du dividende de l’ordre de 50%, ce qui me parait élevé pour un constructeur automobile, mais qui peut se justifier par une rentabilité supérieure à la norme.

Si de telles hypothèses avaient été appliquées au titre de l’exercice 2021, l’action Porsche AG aurait affiché un rendement du dividende de 2,69%

Lire également : est-ce le bon moment pour investir dans Airbus ?

Pourquoi l’entreprise Porsche AG s’introduit-elle en bourse ?

Cette transaction est en réalité un jeu de chaises musicales et de prise de pouvoir entre Volkswagen et la famille héritière du fondateur de Porsche, via sa holding Porsche Automobil Holding SE.

Une offre complexe

Le capital de Porsche AG est divisé en deux : 455,5 millions d’actions ordinaires et le même nombre d’actions privilégiées, soit un total de 911 millions d’actions au total, encore une fois en référence au modèle phare de la marque.

Les actions ordinaires sont assorties de droits de vote, mais ne seront pas cotées. Les actions privilégiées, qui font l’objet de l’offre au public, n’ont pas de droit de vote, mais leurs détenteurs recevront un dividende supplémentaire de 1 centime par action, en plus de chaque dividende versé par la société sur ses actions ordinaires, par simple disposition légale.

Dans le cadre de cette opération, Volkswagen prévoit de vendre 25 %, plus une, de ses actions ordinaires de Porsche AG à Porsche Automobil Holding SE, ce qui leur confère une minorité de blocage. La holding s’est engagée à payer une prime de 7,5 % pour ces actions ordinaires par rapport au prix de placement des actions privilégiées.

Volkswagen prévoit également de vendre 25 % de ses actions privilégiées sur le marché. Le fonds d’investissement du Qatar, troisième actionnaire de Volkswagen, s’est déjà engagé à acheter 4,99 % de ces actions privilégiées, ce qui en laissera 20,01 % et se traduira ainsi par un flottant de 10,05 % du capital total de Porsche.

Volkswagen va exercer avec certitude l’option de surallocation car la transaction est tirée à quatre épingles. La répartition des actions entre Volkswagen, le clan Porsche-Piëch et le flottant est chirurgicale, et l’offre est structurée de manière à placer exactement 25% des actions préférentielles.

Si aujourd’hui, Volkswagen détient 100% de Porsche AG, la famille du fondateur éponyme (de son prénom Ferdinand), via Porsche Automobil Holding SE, détient 31,4% du plus grand constructeur automobile allemand, pour 53,3% des droits de vote.

Après l’opération, Volkswagen détiendra toujours 75% (moins une action) du capital et des droits de vote de Porsche AG. Porsche Automobil Holding SE, du fait de sa participation indirecte dans Volkswagen en détiendra 23,55%, auxquels s’ajoutent les 25% + une action de sa nouvelle participation directe dans Porsche AG, pour un contrôle effectif total de 48,55%.

L’introduction en bourse va donc créer de la valeur pour les trois entreprises car les actions de Volkswagen et de Porche Automobil Holding SE ne reflètent pas la capitalisation boursière prévue de Porsche AG.

Actuellement, la capitalisation boursière de Volkswagen (86,38 milliards d’euros) est équivalente à celle attendue pour Porsche, ce qui signifie que les autres marques du groupe (Audi, Bentley, Cupra, Ducati, Lamborghini, SEAT, et bien sûr Volkswagen) se négocieraient pour une valeur presque nulle.

Enfin, 49% des recettes de l’opération seront redistribuées aux actionnaires de Volkswagen sous la forme d’un dividende exceptionnel.

Même son de cloche pour la holding familiale : avec une capitalisation 22,20 milliards de dollars, la capitalisation boursière de Porsche Automobil Holding SE est bien inférieure à la simple valorisation de sa future participation (encore une fois, directe et indirecte) dans Porsche AG.

Pour les investisseurs, il s’agit donc d’une opportunité de jouer le titre Porsche AG de manière alternative, surtout que Porsche Automobil Holding SE présente un rendement du dividende de 3,56%.

Il existe donc plusieurs manières de profiter de la valeur qui sera débloquée par cette introduction en bourse. Toute la question est donc de savoir à quels autres actifs les investisseurs veulent s’exposer, et comme le dit un fameux proverbe boursier, « préférez les filles aux mères ».

La vraie raison derrière cette opération

Porsche AG, c’est un peu la poule aux oeufs d’or de Volkswagen, qui est aujourd’hui très mal valorisé en bourse, ce qui l’empêche de se financer correctement.

A l’issue de cette IPO, Volkswagen détiendra toujours 75% de Porsche AG, ce qui lui permettra de continuer à consolider ses résultats dans ses comptes et de mieux valoriser l’un de ses principaux actifs, et au passage, soi-même, tout en levant une somme colossale.

Car dans un environnement inflationiste et marqué par la hausse des taux d’intérêt, lever près de 18 milliards d’euros sur les marchés financiers, à des conditions, qui plus est, avantageuses, relève du véritable tour de force.

Si tous les journaux financiers affichent que Volkswagen va retirer près de 9 milliards d’euros lors de l’IPO, cela ne prend en compte que les recettes de la vente des actions privilégiées. Les actions ordinaires, qui ne seront pas cotées en bourse et qui seront vendues à la famille, permettront de récolter une deuxième tranche de plus de 9 milliards d’euros supplémentaires.

Ainsi, l’objectif final de l’introduction en bourse de Porsche est de financer le virage vers l’électrique, un marché sur lequel la compétition s’est intensifiée depuis quelques années, d’un côté par l’apparition de pure-players, comme Tesla, Rivian ou NIO, et de l’autre, par la pression politique en Europe.

Car la voiture électrique, c’est un métier totalement différent du véhicule disposant d’un moteur à combustion interne. Cela nécessite des ingénieurs spécifiques et Renault envisage même d’introduire en bourse ses activités électriques pour là aussi mieux les valoriser.

L’IPO est censée donner plus d’indépendance à Porsche, respecter sa liberté entrepreneuriale et garantir à la famille Porsche de récupérer plus de contrôle sur Porsche AG, sans pour autant sortir du giron Volkswagen pour autant.

Et ce n’est pas la première fois que les enjeux de contrôle familial motivent une introduction en bourse : l’histoire du groupe Fiat, de Ferrari et de la famille Agnelli semble se répéter.

Une introduction en bourse qui ressemble étrangement à celle de Ferrari

En 1969, Fiat SpA, véritable empire de la construction automobile, acquiert 50% de Ferrari et va augmenter sa participation au fil des années jusqu’à atteindre 90 % du capital en 1988, le reste étant détenu par l’héritier d’Enzo Ferrari.

Avant la fusion de Fiat avec l’américain Chrysler Group en 2014, Exor, la holding du clan Agnelli, détenait 30,05% du constructeur automobile italien. Rien de surprenant car la famille en est à l’origine : Fiat SpA fut en effet créée en 1899 par Giovanni Agnelli (1866-1945).

Mais en 2015, FCA, le groupe né du mariage italo-américain, décide l’introduction en bourse de Ferrari pour lever des fonds. 10% du capital est proposé au public, alors que le marché des IPO était tout aussi morose qu’actuellement.

A l’époque, l’objectif était de réduire la dette de la société mère et de contribuer au financement d’un programme d’investissement de 48 milliards d’euros axé sur l’expansion des marques Jeep, Alfa Romeo et Maserati à l’échelle mondiale.

Une similitude supplémentaire avec la situation dans laquelle se trouve Volkswagen aujourd’hui.

Mais à l’issue de l’introduction en bourse, FCA enclenche la cession totale de Ferrari.

Les 80% que détenait encore le groupe sont redistribués à ses actionnaires, ce qui profite largement à Exor, qui met la main sur environ 23,5 % du constructeur au cheval cabré, pour 33,4 % des droits de vote, tandis que Piero Ferrari disposera de 10 % du capital, pour 15,4 % des droits de vote.

Tout comme Porsche Automobil Holding SE, Exor est cotée en bourse. Actuellement à la bourse de Milan, le déménagement vers celle d’Amsterdam est prévu dans le courant de l’année.

La holding familiale des italiens contrôle toujours Ferrari, puisqu’elle détient aujourd’hui 70,15% des actions à droit de vote spécial, concentrant ainsi 36,00% des droits de vote de Ferrari.

L’introduction en bourse de Porsche va alors permettre au clan fondateur de récupérer son joyaux, et comme je vous l’expliquais plus haut, on se demande finalement s’il ne vaut pas mieux investir directement dans la holding.

L’idée est séduisante, mais si l’on compare la performance boursière de Ferrari et d’Exor, on se rend compte que ces espoirs ne se concrétisent jamais réellement.

N’oubliez pas le célèbre proverbe boursier : “Préférez les filles aux mères”.

Performances des actions Ferrari ($RACE) et Exor ($EXO.MI) depuis le 21 octobre 2015.

Quels sont les risques liés à l’action Porsche AG ?

Si cette opération a des airs féériques de Disneyland, tout n’est pas rose chez Porsche AG, et vous devriez être informé des principaux risques avant de souscrire à cette introduction en bourse.

Des préoccupations macroéconomiques et des problèmes internes

Le principal tort de Porsche est celui d’être un constructeur automobile. De luxe ou non, là n’est pas la question. Un constructeur automobile reste un constructeur automobile.

Ces derniers ne sont pas particulièrement recherchés en bourse depuis le début de l’année, car les investisseurs anticipent une baisse de la demande et des capacités des productions, sur fond de dégradation de l’environnement macroéconomique.

Lorsque l’on s’attarde sur les performances des actions Volkswagen (-22,48% YTD), Stellantis (-27,97% YTD), General Motors (-42,00% YTD), ou Ford (-43,45% YTD), on se rend rapidement compte que ces titres sous-performent le marché depuis le début de l’année.

Même l’action Tesla (-31,16% YTD) ne parvient pas à tirer son épingle du jeu, alors pourquoi cela serait-il différent pour les actions Porsche AG fraichement cotées ?

Le nombre de véhicules livrés par Porsche AG depuis le début de l’année est déjà en baisse par rapport à 2021, et cette dynamique est camouflée par un important effet prix.

Certaines usines pourraient réduire la cadence de la production et Volkswagen a déjà annoncé que la réaffectation d’une partie de sa production était l’une des options possibles à moyen terme, si la pénurie de gaz se prolongeait bien au-delà de cet hiver.

Le ralentissement et les tensions en Chine sont aussi un casse-tête que Porsche ne peut ignorer : avec 36% de son chiffre d’affaires réalisé là bas, son empreinte dans le pays est à la fois une bénédiction et un fléau.

Et même si Porsche AG a pu se protéger de l’inflation pour le moment, jusqu’à quand sera-t-il possible de tirer sur la corde ?

Car la hausse des coûts de l’énergie en Allemagne est exceptionnelle : les usines de Porsche AG et celles de ses principaux fournisseurs y sont malheureusement installées.

Le prix de l’électricité a explosé, une multiplication par 10 par rapport à la moyenne historique, et le pays est fortement dépendant du gaz naturel russe, une ressource qui commence à manquer.

La nationalisation d’Uniper, le principal énergéticien outre-Rhin, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau et ne va rien régler à la crise.

A cela s’ajoutent les problèmes internes liés au déploiement du logiciel embarqué dans les voitures, enrayant la progression de l’électrification des gammes de Volkswagen, ce qui a d’ailleurs coûté sa place à son ancien CEO.

Et savez-vous qui est le nouveau PDG de Volkswagen ?

Celui de … Porsche AG.

Olivier Blume récupère une deuxième casquette et assurera, en plus de ses fonctions à la tête de Porsche AG, la direction du groupe amiral, jusqu’à nouvel ordre.

Honnêtement, je ne vois pas ni comment il sera possible d’éviter les conflits d’intérêts, ni comment il pourra simultanément diriger deux entreprises aux trajectoires et aux profils différents.

L’IPO de Porsche devait lui donner plus d’indépendance par rapport à Volkswagen : il n’en sera rien.

L’action Porsche AG vaut-elle vraiment son prix ?

Une introduction en bourse comporte toujours des risques supplémentaires, car on dispose de moins d’informations. Il ne s’agit pas d’une décision d’investissement classique.

Seules les données financières des trois dernières années sont disponibles. L’offre qui s’est ouverte le 20 septembre, se clôture le 28 septembre, ce qui est un délai très court pour faire son choix.

En marketing, on appelle cela le FOMO, pour Fear Of Missing Out, ou la peur de passer à coté de quelque chose d’important.

Pourquoi se mettre dans une situation aussi risquée alors que vous aurez tout le temps nécessaire pour acheter des actions Porsche AG, une fois que celles-ci seront cotées ?

Vous payerez peut-être un prix plus élevé (l’inverse est tout aussi vrai), mais au moins, vous aurez plus de garanties. La sécurité a un coût.

Dans « L’investisseur Intelligent », de Benjamin Graham, on peut même lire :

« En pesant les preuves objectivement, l’investisseur intelligent devrait conclure que IPO ne signifie pas seulement « Initial Public Offering ». Plus précisément, il s’agit également d’une abréviation pour :

  • « It’s Probably Overpriced » (« C’est Probablement Trop Cher »);
  • « Imaginary Profits Only » (« Profits Imaginaires Seulement »);
  • « Insiders’ Private Opportunity » (« Opportunité Privée pour Initiés »);
  • « Idiotic, Preposterous, and Outrageous » (« Idiot, Grotesque et Scandaleux »). »

Si les enseignements de Benjamin Graham vous intéressent, j’en ai parlé dans cette édition de ma newsletter Secrets de Stock-Picking.

Finalement, c’est le marché qui est l’ultime juge de la valorisation, celle fixée par les banques est arbitraire, et la capitalisation boursière de Porsche AG est très probablement poussée par sa notoriété et par la ferveur des actionnaires individuels.

Edoardo Spina, un analyste de chez HSBC, a d’ailleurs fixé la borne haute de sa fourchette de valorisation de Porsche AG à 56,9 milliards d’euros, soit exactement un tiers de moins que l’étiquette anticipée de 75 milliards d’euros.

Et après l’IPO, la vie boursière

Mais certains ne pourront pas s’empêcher de vouloir « faire un coup » sur l’action Porsche AG.

Si le titre sera fortement recherché lors de son premier jour de cotation, il est possible de voir son cours chuter au cours des semaines qui vont suivre l’IPO.

Les investisseurs qui souhaitent absolument investir dans Porsche AG auront probablement l’occasion de le faire à ce moment, pour peu qu’ils fassent preuve de patience : il n’y aura pas assez d’actions pour tout le monde.

De la même manière, le titre de Ferrari s’était adjugé 9,19% le jour où Sergio Marchionne avait sonné la cloche, clôturant sa rentrée des classes à $56,78, le 21 octobre 2015, après avoir fixé le prix de l’offre à $52.

Mais exactement quatre mois plus tard, l’action du constructeur de Maranello ne se négociait plus qu’à $36,44, soit une baisse de 35,82%.

Et il ne s’agit même pas du record à battre : le plus bas historique de $29,96 a été enregistré au cours de la séance du 11 février 2016.

La plupart des IPO de 2021 et de 2022 ont mal performé dans les mois qui ont suivi leurs premiers pas sur les marchés financiers, et je ne crois pas que Porsche AG s’en sortira simplement grâce à sa carte de visite : en bourse, tout le monde est logé à la même enseigne.

Le constat est similaire pour les investisseurs qui auront souhaité profiter de l’opération via les actions Volkswagen ou Porsche Automobil Holding SE.

Dans les quelques mois qui ont suivi l’IPO, le cours de l’action Exor s’était effondré en même temps que celui de Ferrari, réduisant à néant les espoirs des investisseurs qui s’étaient vus plus malins que les autres.

Cela ne signifie pas qu’investir dans Porsche AG est une mauvaise idée. Tout est une question de prix. Et je serai le premier à surveiller le moindre repli du titre.

Alors, faut-il souscrire à l’introduction en bourse de Porsche AG ?

Selon moi, la valorisation prévue de 75 milliards d’euros serait acceptable dans un contexte “business-as-usual”, sur la base d’une forte rentabilité, d’une bonne croissance et d’une marque iconique, presque indétronable, mais est complètement déconnectée de la réalité économique d’aujourd’hui.

Je ne reviendrai sur le dossier qu’après une chute d’au moins 30% du cours de l’action Porsche AG par rapport à la borne haute de la fourchette de prix, c’est à dire, en dessous de 57,75€, car mes conclusions m’amènent à penser que les estimations d’Edoardo Spina sont correctes.

Il existe un réel risque autour des valeurs industrielles européennes, à cause des prix de l’énergie, et je recommande aux investisseurs de ne pas souscrire à l’introduction en bourse de Porsche AG.

A propos de l'auteur

Je suis Conseiller en Investissements Financiers indépendant, membre de l'ANACOFI et immatriculé à l'ORIAS sous le numéro 22005691.

Je suis passionné par le monde de la bourse depuis une dizaine d'année j’aide les stock-pickers à battre le marché pour qu’ils puissent consacrer leur temps et leur énergie à ce qui compte vraiment pour eux.

Cet article vous a plu ? Lisez les suivants !

05/12/2022

28/11/2022

21/11/2022

Page [tcb_pagination_current_page] sur [tcb_pagination_total_pages]

Vous avez une question ? C'est le moment de la poser !

Laissez-moi un commentaire, je vous répondrai en moins de 24 heures.

  • Merci pour votre analyse de PORCHE AG que je partage pleinement mais pourquoi le crack boursier annoncé pire que 29 n est pris en compte
    MERCI

    • Bonjour Daniel,

      Merci pour votre commentaire.

      Votre question est très pertinente : elle intéressera nombre de mes lecteurs.

      La raison pour laquelle je n’ai pas mentionné cette hypothèse de grand effondrement des marchés est double :

      Premièrement, cela fait 10 ans que l’on nous répète chaque année que le krach du siècle est imminent.

      Les médias ont déjà fait le tour de la question et les investisseurs ont tous pleinement conscience de ce risque.

      Je ne dis pas que cela ne sera pas le cas cette année, au contraire, je suis plutôt très inquiet de voir la situation économique dans laquelle s’est empêtrée l’Europe.

      Mais comme l’a dit Peter Lynch : « Bien plus d’argent a été perdu par les investisseurs en essayant d’anticiper les corrections que dans les corrections elles-mêmes. »

      Tout l’argent que nous avons imprimé depuis 2008 se trouve dans le système financier, c’est la raison pour laquelle la bourse a balayé la crise du covid d’un revers de main en 2021.

      Nous sommes arrivés à un tel niveau que les investisseurs se précipiteraient pour faire leurs emplettes en cas de krach, ce qui conduirait à un rebond assez rapide, et donc, polirait la gravité de cette correction.

      Je vous renvoie une fois encore à la situation de mars 2020, où de nombreux particuliers se sont littéralement rués chez les courtiers en ligne pour ouvrir des comptes et profiter de ce repli.

      Deuxièmement, même si je dispose d’un bon niveau dans le domaine, je ne suis pas spécialiste de la macroéconomie, car je travaille plutôt avec une approche Bottom-Up.

      En revanche, en omettant ce paramètre, cela signifie que le contenu de cet article sera toujours valide plusieurs mois après la clôture de l’introduction en bourse, et qu’il sera utile au plus grand nombre.

      Comme vous, je trouve que Porsche AG est une formidable entreprise, mais que le prix de l’offre est trop élevé compte tenu de l’environnement actuel.

      J’anticipe donc qu’il sera possible de profiter de soldes sur le titre dans quelques temps, d’où mon appel à la patience.

      A bientôt,

      Adrien

  • {"email":"Email address invalid","url":"Website address invalid","required":"Required field missing"}
    >